Le carnet des jours sans

Chapitre 1 — La rupture

Ce soir-là, elle ne cria pas.
Elle se tenait dans l’encadrement de la porte, un sac de voyage à la main.
“Je ne sais pas qui tu es devenu, Marc… mais ce n’est plus l’homme que j’ai aimé.”
Ces mots restèrent suspendus dans l’air longtemps après son départ.

Marc s’assit, une bière encore froide dans la main. Il la posa sans la boire.
Il se sentit vide… mais aussi étrangement lucide.

Chapitre 2 — La photo qui fait mal

Trois jours plus tard, en rangeant un tiroir, il tomba sur une vieille photo.
Lui, cinq ans plus tôt, debout au sommet d’une montagne, un sourire éclatant, des yeux clairs, vivants.
Il la fixa longtemps.
Où est passé cet homme-là ?

C’est ce soir-là qu’il sortit un vieux carnet à spirale.
En haut de la page, il traça un trait.
Un simple trait pour dire : Aujourd’hui, je n’ai pas bu.

Chapitre 3 — Les premiers traits

Les jours suivants furent difficiles.
Chaque soir, à l’heure où il ouvrait d’habitude une bouteille, il sortait le carnet, le posait devant lui, et fixait les traits comme une barrière fragile.
Au bout de deux semaines, il y en avait quatorze.
Maladroits. Inégaux. Mais là.

Chapitre 4 — La rechute

Le 28e soir, il céda.
Juste “pour un verre” qui devint trois. Puis cinq.
Le lendemain, il se réveilla au sol, le visage contre le carrelage froid de sa cuisine.
Deux jours plus tard, il était dans le cabinet d’un médecin, les mains moites.
Le docteur le regarda droit dans les yeux :
“Si vous continuez, votre corps ne tiendra pas longtemps. Vous devez trouver du soutien.”

Chapitre 5 — Le réseau

Marc chercha. Et trouva.
Un petit groupe de parole dans une salle municipale, où chacun parlait de ses “jours sans” comme on raconte une victoire.
Il rencontra Julien, qui avait passé un an sans boire, et Léa, qui comptait ses jours sur des coquillages.
Il apprit que la discipline n’était pas que personnelle — elle pouvait être collective, portée par des voix qui comprennent.

Chapitre 6 — Les saisons qui passent

Les traits s’alignaient. Cent. Deux cents. Trois cents.
Il tomba encore, mais moins fort, et se releva plus vite.
Chaque chute laissait une cicatrice, mais aussi une ligne de plus dans son carnet.

Chapitre 7 — Le jour 1 000

Le millième trait fut tracé un matin d’hiver.
Marc le regarda comme on regarde une œuvre terminée.
Ce carnet n’était plus seulement la preuve qu’il avait arrêté l’alcool.
C’était la cartographie d’un combat, avec ses défaites, ses victoires, et surtout… sa survie.

Sur la première page, il ajouta enfin une phrase :

"La discipline, ce n’est pas ne jamais tomber.
C’est apprendre à se relever, à chaque fois, un peu plus vite, un peu plus fort."