🌼 Le mur des Post-it

« La seule validation dont tu as besoin, c’est la tienne. »

Chapitre 1 — Invisible

Clara marchait dans les couloirs du lycée comme un courant d’air.
Elle ne dérangeait jamais. Ne faisait pas de bruit. Ne dépassait pas.
Les profs l’appelaient parfois par un autre prénom, les élèves l’oubliaient dès qu’elle avait quitté la pièce.

Elle portait souvent la même grande veste, un pull neutre, les cheveux attachés à la va-vite.
Elle avait cette façon de baisser les yeux quand on lui parlait. De se fondre dans le décor.
Elle n’était pas triste.
Elle était… éteinte. Doucement.

Chez elle, sa chambre était son refuge. Son téléphone, son miroir.
Et les réseaux, cette pluie continue d’images qui la faisait se sentir encore plus floue.
Trop discrète. Trop banale. Trop “elle-même” pour appartenir à quoi que ce soit.

Un soir, après une journée pesante, elle s’observa longuement dans son miroir.
Et pour la première fois, elle ne chercha pas à se comparer. Elle chercha à se retrouver.

Alors elle prit un vieux bloc de post-it jaune, un stylo noir, et écrivit :
« Tu n’as pas besoin qu’ils t’aiment. Tu dois t’aimer toi. »

Elle le colla en plein centre de son miroir. Et se coucha sans attendre de miracle.

Chapitre 2 — Un post-it par jour

Le lendemain matin, elle lut le mot.
Quelque chose en elle se redressa. Juste un peu.

Alors elle en écrivit un autre.
« Tu n’es pas un brouillon. Tu es déjà un texte complet. »
Puis un troisième, le jour suivant.
« Tu as le droit d’exister même si personne ne t’applaudit. »

Et petit à petit, le miroir s’est couvert de post-it.
Des phrases simples. Brèves. Mais vraies.

Chaque matin, elle en ajoutait un nouveau.
Et chaque soir, elle en relisait un au hasard.

Clara n’était pas encore confiante. Mais elle bâtissait quelque chose.
Un mur contre les regards, les jugements, les silences.
Un mur pour elle seule.

Chapitre 3 — La chute

Il y avait Inès.
La seule personne à qui Clara parlait vraiment.
Une amie lumineuse, drôle, un peu trop vive parfois, mais gentille.
Du moins, Clara le croyait.

Elles se retrouvaient en bibliothèque, partageaient des dessins, des musiques, parfois des secrets.
Inès semblait l’écouter, la comprendre. C’était rare. Et précieux.

Jusqu’au jour où tout s’écroula.

Un jeudi de novembre.
Salle d’étude. Inès partit aux toilettes en laissant son téléphone sur la table.
L’écran s’alluma. Une notification WhatsApp.
Un groupe : « Les pépites du bahut 😂 »
Clara lut son prénom dans l’aperçu du message.

Elle hésita. Puis toucha l’écran.

Dans le groupe, elle vit une capture d’écran.
Un message qu’elle avait envoyé à Inès une semaine plus tôt :

« Merci pour l’autre jour, ça m’a fait du bien de parler avec toi. »

Et juste en dessous, le commentaire d’Inès :

« Regardez ce qu’elle m’a écrit. Trop mignonne la petite paumée. Elle croit qu’on est amies. 😭 »

Clara resta figée.

Elle referma l’application.
Reposa le téléphone comme il était.
Et attendit qu’Inès revienne, comme si de rien n’était.

Elle ne dit rien. Pas ce jour-là. Ni les suivants.
Mais elle arrêta d’écrire.
D’attendre.
D’espérer.

Chapitre 4 — Le mur qui tient

Inès, au début, remarqua que Clara parlait moins.
Elle lança quelques phrases, légères :

« T’as l’air bizarre en ce moment. »
« Tu boudes ? »
Mais sans réelle inquiétude.

Et devant le silence de Clara, elle s’éloigna.
Elle ne chercha pas à comprendre.
Elle ne demanda jamais ce qui s’était passé.

Elle la remplaça dans ses conversations, dans ses rires, dans ses stories.

Clara, elle, retourna à son mur.
Chaque post-it prenait une autre couleur maintenant.
Ce n’était plus juste des mots.
C’étaient des piliers. Des racines.

« Tu n’es pas un décor secondaire. Tu es ton propre rôle principal. »
« Tu n’as pas besoin de ceux qui te regardent de haut pour te relever. »
« Ta valeur ne se mesure pas à ceux qui ne savent pas la voir. »

Et puis un soir, elle ajouta ce mot-là :
« Tu n’as pas besoin de te venger pour te réparer. »

Chapitre 5 — Le miroir révélé

Quelques semaines passèrent.
Le miroir était désormais entièrement recouvert.
Clara ne voyait plus son reflet. Et pourtant, elle se reconnaissait de plus en plus.

Elle avait cessé d’attendre une place chez les autres.
Elle s’était offert une place en elle-même.

Un matin, sans prévenir, elle décolla un à un tous les post-it.
Elle les rangea dans une boîte.
Elle la décora avec soin. Elle y écrivit :
« Moi »

Et pour la première fois depuis des mois, elle se regarda.
Elle ne vit pas une fille parfaite.
Mais elle vit une fille debout.
Et c’était largement suffisant.

Épilogue — La note oubliée

Quelques mois plus tard, une nouvelle élève arriva.
Timide. Fragile.
Clara la remarqua dès le premier jour.

Elle n’alla pas lui parler.
Mais ce soir-là, avant de rentrer chez elle, elle glissa discrètement un petit mot dans le casier de la jeune fille.
Un post-it jaune.
Avec ces mots :

« La seule validation dont tu as besoin, c’est la tienne. »