🌬️ "Elle riait trop fort"

Chapitre 1 – L’équilibre du silence

Maya aimait le calme.

Elle aimait les silences entre deux réunions, les feuilles de thé qui infusaient lentement, la régularité d’une tâche bien faite. Dans l’open space, elle était cette silhouette douce, posée, presque invisible. On la décrivait comme professionnelle. Sérieuse. Discrète.

Et puis il y avait Inès.

Inès arrivait avec le vent.
Elle parlait fort.
Elle riait de bon cœur, parfois un peu trop.
Elle pleurait dans les toilettes.
Elle chantonnait dans l’ascenseur.
Elle oubliait des pièces jointes dans ses mails.
Elle se trompait dans des fichiers importants.
Elle envoyait parfois des textos personnels à toute l’équipe par erreur.

Elle était, selon Maya, trop.

Chapitre 2 – Le regard qui juge

Un vendredi après-midi, alors qu’Inès venait encore d’interrompre une réunion par un fou rire nerveux, Maya l’attendit à la machine à café.

— Tu sais, dit-elle doucement, je pense que tu devrais faire attention. À comment tu parles. À ce que tu dis. À ta façon d’être.
Ce monde… il ne pardonne pas toujours les débordements.

Inès la regarda sans rien dire.
Elle agita sa cuillère dans son café, doucement.
Puis elle sourit, mais sans joie.

— Mon père est mort il y a deux mois.
Maya cligna des yeux. Surprise. Gênée.
— Oh… je suis… désolée.

Inès haussa les épaules.
— Tu sais ce qu’il m’a dit avant de partir ? Que la vie est une ligne fine, et qu’on ne sait jamais quand elle va s’interrompre. Que les années en bonne santé… c’est souvent moins que ce qu’on croit.
Elle marqua une pause.
— Alors maintenant, je ris quand j’en ai envie. Je pleure aussi. Je vis. Parce que sinon, à quoi bon rester ici à attendre que tout se termine ?

Maya voulut répondre. Mais aucun mot ne sortit.

Chapitre 3 – L’absence qui s’installe

Quand Maya revint de ses vacances d'été, le bureau d’Inès était vide.

Pas en désordre. Juste… absent.
Une plante fanée, une tasse oubliée, un post-it avec une phrase qu’elle avait griffonnée :
"Sois vivante. Même dans les endroits gris."

Une collègue s’approcha.
— Tu n’as pas su ? Inès est décédée. Un cancer. Elle le savait depuis un moment. Elle a préféré que personne ne le sache. Elle voulait… rester légère.

Maya sentit son souffle se briser.

Toutes les rires. Toutes les maladresses. Toutes les exubérances…
Ce n’était pas de l’imprudence.
C’était un choix.
Une déclaration d’existence.

Chapitre 4 – Ce que Maya a changé

Elle ne parle pas beaucoup de cette histoire.
Mais depuis ce jour, Maya ne juge plus.

Elle sourit plus souvent.
Elle prend des pauses plus longues.
Elle dit “non” sans s’excuser.
Elle ose des couleurs plus vives.
Elle invite parfois des collègues à déjeuner, même si elle aimait manger seule.
Elle parle de ses émotions, un peu.
Elle vit, tout simplement.

Parce qu’Inès lui a appris, sans le vouloir, que le calme peut aussi devenir une prison…
Et que vivre pleinement est parfois plus urgent que paraître irréprochable.

💬 Morale :

“Certains vivent fort parce qu’ils savent qu’ils ne vivront pas longtemps. Ne juge jamais une intensité que tu ne comprends pas.”
Et si tu savais combien il te reste de jours en bonne santé… que ferais-tu différemment ?