🎼 La dernière chanson

Chapitre 1 — Les promesses qu’on ne croit jamais devoir tenir

Éloi avait toujours été le grand silencieux de la famille. Pas timide, juste… discret. La musique, c’était son refuge, son langage. Il jouait de la guitare depuis qu’il avait douze ans, mais n’avait jamais osé monter sur scène.
Son frère aîné, Thomas, était l’inverse : solaire, bavard, toujours à l’aise. Ensemble, ils formaient un duo improbable mais inséparable.

Un soir d’hiver, à l’hôpital, Thomas, affaibli par la maladie, lui avait glissé :
— “Promets-moi que tu écriras notre chanson. Celle qu’on n’a jamais eu le temps de faire.”
Éloi avait répondu “Oui” pour lui faire plaisir, persuadé qu’ils auraient encore du temps.

Chapitre 2 — Les paroles inachevées

Le temps n’est pas revenu.
Après l’enterrement, Éloi s’est retrouvé seul dans l’appartement vide de son frère. Dans un tiroir, entre de vieilles photos et un ticket de concert jauni, il trouva un carnet noir. À l’intérieur : quelques lignes de texte griffonnées à la hâte, des ratures, et un refrain incomplet.

La première phrase disait :

“Si un jour je pars, promets-moi que tu chanteras encore.”

Chapitre 3 — L’ombre du silence

Les mois passèrent. Éloi essayait d’écrire… mais rien ne venait. Chaque note sonnait creux, chaque mot semblait faux. Il se demandait si cette chanson devait exister, ou si elle n’était qu’un symbole impossible à atteindre.

Un soir, en rentrant tard, il alluma son répondeur. La voix de Thomas, dans un vieux message oublié, résonna dans la pièce :
— “Arrête d’avoir peur de ta voix, Lolo. Elle est belle. C’est toi qui ne le sais pas.”

Chapitre 4 — La scène

Un an jour pour jour après la promesse, Éloi monta sur une petite scène ouverte dans un bar.
Ses mains tremblaient. La salle était à moitié vide.
Il posa le carnet noir sur le pupitre, inspira profondément, et joua les accords qu’il avait enfin trouvés. Les paroles de Thomas étaient là, reliées à celles qu’Éloi avait écrites.

Quand il termina, un silence s’installa… puis des applaudissements timides, mais sincères. Éloi ne pleurait pas. Pas vraiment. Mais ses yeux brillaient.

Chapitre 5 — La chanson vit

Il ne l’a jamais enregistrée.
La chanson n’était pas faite pour les radios ni pour les plateformes. Elle appartenait à Thomas, et à tous ceux qui avaient aimé sans pouvoir dire au revoir.

Parfois, dans les petites salles où il joue désormais, Éloi la chante encore. Il regarde toujours le siège vide au premier rang, et murmure :
— “Voilà, elle est finie.”

💡 Morale

Parfois, les promesses qu’on tient pour les absents sont celles qui nous sauvent, nous, les vivants.